Horaires, missions, statuts des enseignants : les négociations sur la réécriture du décret de 1950 se sont ouvertes, comme annoncé par le ministère, ce lundi 18 novembre.
En ce qui concerne les évolutions des obligations de services, voici les éléments (tels que communiqués par le MEN aux organisations syndicales) que nous avons pu recueillir à ce jour :
– Toutes les heures d’enseignement seraient désormais équivalentes, qu’elles s’effectuent en classe entière, en TD, en TP, ou en atelier. La taille des groupes n’interviendrait plus dans le calcul du service.
– En CPGE, une pondération de 1,5 serait retenue. La taille des classes et groupes n’interférerait plus dans l’obligation de service et l’heure de première chaire ne se justifierait pas.
– En BTS, une pondération de 1,25 serait retenue. L’heure de première chaire ne se justifierait pas.
– En cycle Terminale de lycée général et technologique (hors EPS), une pondération de 1,1 serait retenue, dans la limite d’une heure.
– Dans les établissements les plus difficiles sur le plan social et scolaire, une pondération de 1,1 serait retenue.
Concrètement, subiraient donc une baisse effective de rémunération (voir aussi l’annexe) :
– Tous les professeurs bénéficiant actuellement d’une heure de première chaire en BTS ou CPGE [baisse de rémunération due à la suppression de cette heure en post-bac] ;
– Tous les professeurs enseignant plus de 8 heures devant une classe de plus de 35 élèves [baisse de rémunération due à la disparition des heures pour effectifs] ;
– Tous les professeurs bénéficiant d’une heure de première chaire en classe de Première ou Terminale et enseignant plus de 6 heures [baisse de rémunération due au remplacement de la première chaire par la pondération à 1,1] ;
– Tous les professeurs de classes préparatoires n’enseignant pas en première année à moins de 20 élèves [baisse de rémunération due au remplacement de l’ORS prépa en service complet par la pondération à 1,5].
En particulier, les professeurs enseignant actuellement 8 ou 9 heures en CPGE se retrouveraient en sous-service puisque l’obligation de service serait ramenée à 10 heures quels que soient la classe ou l’effectif.
Citons également le cas des professeurs certifiés à temps complet en CPGE : ceux de première année enseignant devant plus de 36 élèves à raison de neuf heures par semaine perdraient trois heures supplémentaires (par semaine) au tarif agrégé CPGE, ceux de seconde année enseignant dans la même situation en perdraient quatre. Soit une perte sèche de plusieurs milliers d’euros par an… Quant aux professeurs certifiés effectuant douze heures par semaine en CPGE, leurs quatre heures supplémentaires passeraient au tarif certifié…
Les nantis et les autres
« Gagnants » de cette réforme, donc : les professeurs en Zone d’Education Prioritaire, qui exercent un métier très difficile et méritent sûrement plus de reconnaissance. Mais est-il vraiment rationnel de déshabiller (beaucoup) Pierre pour rhabiller (un peu) Paul ? Et compte-t-on vraiment rhabiller Paul ? Les économies réalisées sur le dos des professeurs de classes préparatoires seront-elles réellement rétrocédées à nos amis et collègues en ZEP…
Ne serait-ce pas plutôt une tentative de diviser pour régner ? D’opposer les uns aux autres ? Les professeurs du secondaire hors ZEP, les professeurs de BTS, ceux de CPGE, seraient-ils donc tous des nantis dont il serait légitime de ponctionner les salaires pour payer ceux de leurs collègues ? Rappelons ici que le salaire de base d’un professeur de classes préparatoires est le même que celui d’un agrégé de même indice, que seules les heures supplémentaires font la différence, que ces heures supplémentaires ne sont pas prises en compte dans le calcul des retraites, et qu’elles ne peuvent généralement être refusées ou partagées puisqu’elles font partie du service lié à la ou aux classes de l’enseignant de CPGE.
Donnez, donnez, donnez-nous…
Si effort de partage et de meilleure distribution des revenus dans la fonction publique il doit y avoir, pourquoi, dans ce cas, ne pas proposer qu’il en soit de même pour les inspecteurs des finances ou les administrateurs civils au Conseil d’Etat, qui gagnent plusieurs fois les salaires des mieux rémunérés d’entre nous ? Après tout, les professeurs de classes préparatoires sont, par leur formation et leur engagement, des hauts fonctionnaires de catégorie A. Si un effort budgétaire doit leur être demandé, qu’il en soit donc de même pour tous les hauts fonctionnaires, notamment de Bercy et de la Cour des Comptes : que ceux-ci demandent à ce que leurs propres traitements soient diminués à proportion de l’effort qu’ils demandent à leurs collègues fonctionnaires des classes préparatoires aux grandes écoles.
Equité abrogée, égalitarisme roi ?
Les décrets de 1950, que l’on dit obsolètes parce que trop anciens, avaient au moins le mérite d’être fondés sur le principe de l’équité ; ils traitaient de situations différentes en leur appliquant des quantités inégales, mais équitables. Quoi de choquant là-dedans ? Ce qui serait choquant, ce serait de vouloir traiter à tout prix de manière égale ce qui ne l’est pas. Avoir une classe de 25 élèves ou de 50, ce n’est pas la même chose, ne serait-ce que lorsqu’il s’agit d’en corriger les copies.
Professeur : un métier à l’avenir de plus en plus incertain…
L’ensemble des professeurs enseignant devant des classes de plus de 35 élèves, que ce soit en lycée hors ZEP ou en post-bac, devraient donc voir leur salaire diminuer. Double peine pour ceux bénéficiant actuellement d’une heure de première chaire.
Les professeurs de CPGE se retrouvant en sous-service devront, de surcroît, compléter leur service dans le secondaire (à moins qu’on ne leur trouve un petit quelque chose à l’université ? Partenariat…).
Les perspectives de promotion dans le post-bac se trouveront à peu de chose près réduites à néant (la Chaire Supérieure perdant quasiment toute son attractivité).
Est-ce donc ainsi que l’on compte parvenir à recruter de nouveaux (et brillants) professeurs ? En ponctionnant encore un peu plus leur pouvoir d’achat, alors même que, le dernier Rapport de la Cour des Comptes le dit, «la rémunération nette annuelle des enseignants» est déjà «inférieure de 35 % à celle d’un cadre non enseignant de la fonction publique, essentiellement en raison d’un niveau de primes plus faible» et que «par ailleurs, les enseignants français gagnent entre 15 et 20 % de moins que leurs homologues des États membres de l’Union européenne et des pays membres de l’OCDE, à leur début de carrière comme après 15 ans d’ancienneté» ?
Le manque de candidats au CAPES et à l’Agrégation s’avère chaque année plus flagrant (lu dans ce même Rapport de la Cour des Comptes : «la France connaît une inquiétante crise d’attractivité du métier : en 2011 et 2012, plus de 20 % des postes proposés au concours du CAPES externe n’ont pu être pourvus dans six disciplines, dont l’anglais et les mathématiques») : est-ce donc en diminuant encore l’attractivité du métier que l’on compte remédier au problème ?
La stratégie Europe 2020 (voir par exemple ici) met l’accent sur la nécessité des investissements dans l’enseignement et la recherche pour sortir de la crise. Est-ce donc avec des professeurs payés au rabais que l’on compte œuvrer en faveur d’une «économie de la connaissance» ?
Tous PRAG ?
Un enseignant en CPGE deuxième année à fort effectif a actuellement une obligation de service de 8 heures de cours magistral (CM) par semaine soit environ 288 heures par an. Un PRAG doit 384 heures par an de travaux dirigés (TD) soit 10,6 heures par semaine si l’on compte un enseignement sur 36 semaines ; en cours magistral, cela correspond à 256 heures par an (1 heure et demie de TD équivalent à 1 heure de CM), soit un peu plus de 7 heures de CM par semaine.
Ce qui veut dire qu’un professeur de CPGE a déjà aujourd’hui une obligation de service légèrement supérieure à celle d’un PRAG. Dans le meilleur des cas, il a une obligation de 288 heures de cours magistral par an contre 256 heures pour un PRAG.
Avec la réforme, il deviendra donc bien plus avantageux d’être PRAG puisque le service des professeurs en CPGE passera à 10 heures par semaine, donc 360 heures de CM pour un professeur en CPGE contre 256 heures pour un PRAG…
Serait-ce là une manière de nous inviter à l’université ?
ANNEXE (source : SNES)
Les sommes ci-dessous sont rapportées par mois, sur 12 mois.
– Suppression de la première chaire en BTS et post-bac : 1h en moins
Agrégé = 128 € ou 154 € si c’est la première heure.
Certifié = 89 € ou 107 € si c’est la première heure
Hors-classe : ajouter 10 %
– Agrégés en classes préparatoires, CPGE ou DCG
Prof de deuxième année : 1h en moins = 213 € et les autres heures diminuées de 10%
Prof de première année ayant plus de 35 élèves : 1h en moins = 213 € et les autres heures diminuées de 10 %
NB : les deux diminutions se cumulent pour un prof de 2e année ayant plus de 35 élèves : 478 € et les autres heures diminuées de 20%
– Professeurs de chaires supérieures
Prof de deuxième année : 1h en moins = 263 € et les autres heures diminuées de 10%
Prof de première année ayant plus de 35 élèves : 1h en moins = 263 € et les autres heures diminuées de 10 %
NB : Les deux diminutions se cumulent pour un prof de 2e année ayant plus de 35 élèves : 592 € et les autres heures diminuées de 20%
3 commentaires
Certes, mettre l’accent sur les baisses de rémunération est légitime. Mais tout le monde n’a pas forcément envie de travailler plus pour gagner plus (ou autant). Avec cette réforme telle qu’elle apparaît dans sa première mouture, c’est surtout une surcharge considérable de travail pour tous ceux qui ont des classes à gros effectifs, et dans des matières où le temps de préparation des cours est le plus important (avec programme renouvelé chaque année par exemple). À l’inverse, c’est la prime aux classes à petits effectifs, avec tous les effets pervers que cela comporte (pourquoi se priver de faire partir des élèves, si l’on sait que cela ne changera rien à notre rémunération et que cela allègera notre charge de travail ?)
Lamentable! Veut-on par là tuer les grandes écoles, formatrices des élites??? Et encourager un nivellement par le bas! C’est ce que cette réforme peut laisser penser. Triste. Comment s’en sortir si ce n’est par une éducation de bon niveau?
Cher collègue,
J’ai lu avec attention votre post, et je trouve que le passage sur la comparaison PRAG/CPGE est ahurissante !
Elle l’est à plusieurs titres :
– Aucun PRAG n’assure tout son service en CM ;
– Il me semble qu’un CM devant 100 à 400 étudiants (avec les corrections qui lui sont afférentes) n’est pas très comparable avec un cours en classe prépa ;
– Vos propos semblent supposer que tous les cours en CPGE valent un CM, c’est un peu exagéré je trouve ;
– De très nombreux PRAG ont, en plus de cette charge d’enseignement, des responsabilités pédagogiques (directeur de département, responsable de diplôme, etc.) sans décharge de service ;
– Un nombre non négligeable de PRAG font de la recherche, sans décharge de service là non plus.
Je comprends que cette réforme vous horripile et je vous soutiens dans votre colère, mais ne tombez pas dans le piège de la division, de la caricature et de l’orgueil. Vous ne vous y honoreriez pas !
Sincères et chaleureuses salutations d’un collègue PRAG (car nous sommes tous dans le même bateau).
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